Accidents, destin et Vie à Madagascar
Ils étaient partis joyeux… ils ne sont jamais arrivés à destination à cause d’un accident!
Il y a quelques jours, un accident de car faisait plusieurs morts à Ankazobe, à quelques kilomètres de la capitale, sur la RN4 à Madagascar. Le car surchargé et pas vraiment en état de faire le long voyage prévu (la destination se trouvait à 550 km) s’est trouvé en difficulté au niveau d’une montée, a fait plusieurs tonneaux avant de s’embraser fauchant plusieurs vies, ravageant des centaines de vie de familles, brisant l’avenir de jeunes et blessant l’âme de tout un pays. Un dernier bilan fait état d’une trentaine de morts et d’une centaine de blessés.
Cet accident n’était malheureusement pas unique. Ce même jour, un taxi-brousse (un mode de transport en commun inter-urbain ou régional) transportant des voyageurs a fait un autre accident, sur une autre route nationale malgache, plus de peur que de mal. Et dans la capitale, toujours ce même jour, un taxi-be (un mode de transport en commun urbain) n’avait plus de frein et avait dû se servir de la voiture qui le précédait pour s’arrêter dans sa course. Il n’y a pas eu de vie perdue…
Plusieurs accidents, avec plus ou moins de gravité le même jour, à se demander si ce jour n’était pas frappé du sceau de la malédiction. A dire vrai, le constat ne peut s’arrêter juste à ce jour-là. En effet, il y a plusieurs mois, des accidents graves et tout aussi mortels se sont aussi produits. Un camion de transport de marchandises a été utilisé pour convoyer les invités à un mariage. Il s’est renversé, le bilan est terrible : une quarantaine de morts, dont les jeunes mariés… Une autre fois, une école avait organisé une sortie pour ses élèves, les chauffeurs des cars de transport ont fait la course sur le retour, il y a eu un problème, un ravin et là encore, plusieurs jeunes vies fauchées…
Chacune des personnes qui étaient au départ de ces excursions, ballades, voyages étaient joyeux (les Malgaches aiment particulièrement ces sorties organisées)… mais elles n’ont jamais atteint leur destination finale!
Au-delà du fatalisme ambiant, ces accidents devraient alerter aussi bien les dirigeants du pays mais aussi et surtout les citoyens, chaque citoyen.
Avant d’évoquer une quelconque intervention divine, occupons nous d’abord d’analyser nos erreurs humaines dans cet accident!
Madagascar a toujours été un pays avec une population ayant une forte spiritualité et de profondes croyances. A la survenance de l’accident à Ankazobe, grand a été mon étonnement de constater la résignation et le fatalisme d’une grande partie des personnes sur les réseaux sociaux. Plusieurs appels à la prière mais aussi et surtout plusieurs déclarations « se contentant » de conclure que c’était le Destin et que Dieu donnant la Vie, il pouvait aussi la reprendre à tout moment, selon ses propres desseins. Loin de moi l’idée de questionner la croyance des uns et des autres et sans connaître la volonté divine (qui peut se targuer de la connaître au final?) je me demande si le respect des normes de sécurité « élémentaires » et une prise de responsabilité plus « aiguë » n’auraient pas permis, non pas d’éviter l’accident (si c’était vraiment le destin de ces personnes d’avoir un accident?) au moins d’en limiter les dégâts. En effet, l’intervention télévisuelle d’une des personnes ayant organisé le voyage amène à penser que la probabilité que l’accident se produise était quand même assez haute, destin ou pas. Sans revenir en détails sur cette intervention, quelques éléments que l’on pouvait en tirer laissent pantois. Le jour du départ, le car aurait déjà été admis au garage pour faire « quelques réparations ». Dans le car, il y aurait eu autant les passagers (le double du nombre limite de passagers admis pour le véhicule selon le Ministère des transports par la suite) que leurs bagages pour un séjour de 10 jours. Le chauffeur n’aurait pas vraiment l’habitude de conduire le véhicule qui aurait eu quelques soucis au niveau du frein et les pneus auraient été sous-gonflés…autant d’éléments qui auraient dû alerter aussi bien les organisateurs que les passagers. On peut arguer du fait que le propriétaire du véhicule l’avait donné à disposition par charité chrétienne ou qu’il était difficile pour le groupe d’affréter des moyens de transport plus adaptés, mais après coup, la bonne volonté et le manque de moyens sont ils réellement dissociables de l’eixgence de sécurité?
Une meilleure préparation logistique, un contrôle technique strict de l’état du car, une prise de responsabilité des organisateurs auraient pu, dans une certaine mesure, nous éviter cette tragédie.
Au lieu de trouver des solutions temporaires après chaque accident les dirigeants ne devraient ils pas opter pour la prévention?
Bien entendu, année électorale 2018 oblige, plusieurs dirigeants ont « accouru » au chevet des victimes. La mine grave, les costumes sombres de circonstance, ils sont allés, avec les photographes et les médias, sur les lieux de l’accident puis à l’hôpital vers lequel ont été évacués les blessés. Ils ont demandé à ce que des enquêtes soient ouvertes, que des prises en charge soient faites.
Les larmes de crocodile, les grands gestes et les discours ils peuvent faire. Mais, ils ne peuvent pas prendre la décision stricte d’interdire l’importation de véhicules dont les dimensions ne conviennent manifestement pas aux infrastructures routières malgaches existantes. Ils ne peuvent pas mettre en place un système de contrôle technique qui assure que les véhicules qui circulent sont réellement aptes parce qu’ils ont réussi à passer le test et non parce que les dessous de table ont fermé les yeux du contrôleur qui a validé le contrôle. Ils ne peuvent pas mettre en place un vrai projet pour élargir, améliorer ces routes qui auraient près d’un siècle d’existence. Ils ne peuvent pas, dans un mouvement de fierté nationale, créer des infrastructures qui soient distinctes de celles mises en place du temps de la colonisation. Ils doivent juste se contenter de réparer l’existant, au gré des financements extérieurs… nos routes nationales ont des ponts Bailey, ponts qui selon les ingénieurs n’ont normalement qu’une vocation provisoire!!!).
La liste de ce que les dirigeants peuvent faire pour préserver la vie des usagers des transports publics, c’est à dire les citoyens, est longue, mais sont ils seulement à l’écoute?
Usager, voyageur, chauffeur, il faut prendre une part de responsabilité pour éviter les accidents!
Je me souviens d’une excursion qu’on avait eu à la fin de l’année scolaire quand j’étais au lycée. Au moment de repartir, un de nos camarades de classe, Tafika, avait refusé de monter dans le car, il avait mis en cause l’état d’ébriété du chauffeur du car dans lequel il devait monter. Tout le monde voulait rentrer et lui disait de ne pas en faire tout un plat. Mais il a résisté et vaillamment (lors de nos rencontres plusieurs années après tout le monde se souvient encore de ce qu’il a fait ce jour là!). Parce qu’il en a fait toute une scène, une de nos professeurs responsables, Mme Florence, a effectivement cherché à vérifier l’état réel de ceux qui devaient se charger de nous faire revenir à la maison.
Avant chaque voyage ou pique-nique qu’on fait, mon père, Mr le Cascadeur, consacre toujours ses préparatifs à la voiture, nous on est là pour les bagages, les victuailles etc., lui toujours s’affairait à propos de la voiture… je dois avouer qu’à l’époque je ne comprenais pas vraiment ce qu’il avait à se préoccuper de ce que je pensais comme relevant du détail…
Il nous faudrait plus de Tafika, plus de Mme Florence, plus de Mr le Cascadeur pour chaque voyage, chaque sortie organisée…
Et plus généralement, les citoyens devraient œuvrer, chacun à son niveau pour que les risques d’accident s’amenuisent… Respecter les normes (les vazaha ne sont pas fous, si leurs ingénieurs ont calculé qu’une voiture ne doit pas peser plus de x tonnes en transportant x personnes avec x bagages, c’est qu’il y a une raison), suivre le Code de la route (c’est respecter aussi la loi), passer réellement le permis (…), entretenir les véhicules (et pas seulement quand ils sont en mauvais état), exiger des visites techniques propres, ne pas céder à la tentation de la corruption…
Et quand les accidents surviennent, malgré la douleur, malgré le fatalisme, le fait de demander l’établissement de toutes les responsabilités devant la justice pourrait aussi constituer un signal fort, une résistance contre le fatalisme ambiant et l’insouciance de ceux qui ont nos vies entre leurs mains…
C’est de cet accès à la justice dont on va parler dans notre prochain article! 😉 (restez connectés!)
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