Si ce n’est toi, ce sera donc ton arrière petit-enfant!*

Article : Si ce n’est toi, ce sera donc ton arrière petit-enfant!*
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13 mai 2015

Si ce n’est toi, ce sera donc ton arrière petit-enfant!*

L’abolition de l’esclavage est officiellement commémorée en France le 10 mai, mais il y a plusieurs autres dates dans les territoires d’Outre-mer. Cette date est considérée comme la journée des mémoires et de réflexion sur la traite et l’esclavage et leurs abolitions. Depuis une loi dite loi Taubira de 2001, la traite négrière et l’esclavage sont considérés comme des crimes contre l’humanité. Même si au premier abord, il semble relever du bon sens que ces actes sont abominables et constituent des crimes contre l’humanité, l’adoption d’une loi pour le décréter répond à plusieurs motivations. La portée symbolique peut être retenue en premier lieu. Mais adopter une loi dans ce sens tend aussi à sanctionner les personnes qui seraient encore tentées en ce 21ème siècle d’exploiter sans vergogne ses semblables…Avec la loi adoptée en 2001, une autre brique est apportée cette année : le mémorial ACTe (centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage) a été inauguré en Guadeloupe. Malgré son emplacement, ce mémorial, qui sera ouvert à partir du mois de juillet, traitera de la question de l’esclavage dans sa « globalité » aussi bien temporelle (depuis l’Antiquité) que géographique.

Gorée – Monument commémorant l’abolition de l’esclavage / Photo (c) HaguardDuNord

Personnellement, cette date du 10 mai ne résonne pas encore en moi comme d’autres dates dites historiques, ce n’est pas par désintéressement mais faute d’une campagne de sensibilisation peut-être. D’autres catégories de personnes par contre ne sont pas dans le même état d’esprit. Et ainsi, le CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France) a porté plainte contre un descendant d’un propriétaire de plantation et de vaisseaux qui ont été utilisés pour faire le commerce d’esclaves. Pour justifier cette action, ce Conseil argue que la propriété actuelle de la personne est issue de biens mal acquis, et qu’ainsi, elle a bénéficié des actes répréhensibles de son ancêtre.

Loin de moi l’idée d’amoindrir les blessures liées à l’esclavage ou de justifier ceux qui ont fait preuve de barbarie durant ces temps là, mais il me semble difficile de remettre actuellement sur le tapis ce qui s’est passé il y a longtemps. On ne choisit pas sa famille. On hérite de l’histoire familiale que celle-ci soit glorieuse, modeste ou honteuse. Il me semble difficile de concevoir que l’on demande à l’arrière petit-fils ou juste au petit-fils ou au fils d’endosser en quelque sorte les conséquences des actes de son arrière grand-père, ou grand-père ou père. La personne actuelle aurait aidé, conseillé, épaulé l’ascendant en question dans ses agissements, le cas se présentera autrement. Tout comme il est déplacé de se prévaloir des réalisations et accomplissements de ses ascendants. C’est le grand-père ou la grand-mère qui a accompli de grandes choses, pas le petit-fils ou la petite-fille qui porte actuellement le nom.

L’histoire familiale est un fardeau pour tout un chacun. Mais je pense que chacun est libre de déposer son fardeau sur la route et de prendre son propre envol (même si dans ce cas, l’on ne manquera jamais de se faire tirer à boulets rouges)  ou de rajouter des pierres et des buches du fardeau familial et se laisser emprisonner au sol. Ceci est aussi valable quand l’histoire familiale est au contraire une poulie, qui peut vous propulser loin sans beaucoup d’effort. Il n’y a aucun mérite à franchir les obstacles de la vie juste parce qu’on porte le nom d’un ancêtre qui a réalisé des choses en son temps.

C’est une vision naïve je le conçois. Mais je crois profondément que chaque femme et chaque homme a les capacités de faire les choses en son nom, malgré le fardeau et la poulie que constitue son histoire familiale.

Chacun ne devrait être redevable que de sa propre histoire, mais la vie n’est pas faite ainsi, n’est ce pas?

* C’est une expression tirée de la Fable de la Fontaine Le loup et l’agneau : « si ce n’est toi, c’est donc ton frère ».

 

 

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