Maman, tu peux maintenant me donner ta nationalité malgache
Pour certains d’entre nous, avoir un passeport va de soi parce que la nationalité nous a été attribuée à notre naissance sans problème ni procédure particulière. On ne se pose pas forcément la question de la difficulté éprouvée par certains de nos proches pour l’avoir et des injustices que notre réglementation relative à la nationalité fait subir à certaines personnes. En l’occurrence, il est ici question des conditions pour avoir la nationalité malgache.
L’injustice réparée par la récente adoption d’une loi modifiant le code de la nationalité malgache en vigueur depuis l’indépendance
Aussi invraisemblable que cela paraisse, auparavant, les enfants nés de mère malgache et de père de nationalité différente n’étaient pas considérés comme Malgaches administrativement parlant. Pour avoir la nationalité malgache avant leur majorité, il fallait qu’ils fassent une démarche active de demande parce qu’elle ne leur était pas automatiquement attribuée. Cette injustice vient d’être modifiée avec l’adoption d’une nouvelle loi* modifiant celle qui était en vigueur depuis l’accession de Madagascar à l’Indépendance en 1960**. Désormais, à l’égal des pères malgaches, les mères malgaches peuvent donc maintenant transmettre leur nationalité à leurs enfants.
On se demande bien sur quelles principes reposait cette mesure. Premièrement, accepter la paternité relève de la confiance (le père est père parce qu’on lui dit que l’enfant est de lui), tandis que la maternité est une certitude : c’est la mère qui porte et accouche du bébé (même si j’admets que les progrès scientifiques font maintenant qu’on peut avoir des mères porteuses, mais c’est une autre histoire). Deuxièmement, cette disposition était d’autant plus incompréhensible que la femme malgache qui n’était pas mariée pouvait transmettre sa nationalité à ses enfants (je préfère m’abstenir de commenter pourquoi ça me paraît incompréhensible !).

Les injustices qui perdurent
Mais malgré cette réforme qui bénéficiera à un assez grand nombre de familles multiculturelles éparpillées de par le monde, plusieurs situations d’injustice perdurent dans le code malgache de la nationalité. Il s’agit de la situation des apatrides d’une part, et des personnes souffrant d’un handicap d’autre part.
Tout d’abord, la situation des descendants des voyageurs arrivés à Madagascar il y a plusieurs décennies, voire vers la fin du 19ème siècle pour certains, n’est pas encore réglée. Il s’agit des « communautés » indiennes, pakistanaises, chinoises, comoriennes…(je n’aime pas cette expression, mais on a tendance, nous autres, à les catégoriser selon leurs apparences extérieures sans réellement savoir). En fait, une certaine partie des ces personnes qui sont nées, qui ont grandi et qui ont vécu toute leur vie dans le pays, n’ont pas la nationalité malgache et sont apatrides : elles n’ont aucune nationalité. D’une part, parce qu’elles n’ont pas celle du pays d’où leurs ancêtres sont partis il y a fort longtemps, et d’autre part, parce qu’elles n’ont jamais pu obtenir la nationalité malgache, même si elles sont nées, ont grandi et ont toujours vécu à Madagascar. Et comme partout ailleurs, ne pas avoir de papiers n’est pas facile pour vivre, travailler, se faire soigner, scolariser les enfants, leur faire passer les examens officiels.
Ensuite, un autre problème qui perdure est celui des personnes qui ne sont pas en bon état de santé. En effet, parmi les conditions posées pour faire une demande de naturalisation (c’est-à-dire pour accéder à la nationalité malgache) il y a un passage dans un texte*** qui fait quand même un peu froid dans le dos. Dans ce texte, les aliénés, les infirmes, ceux qui ont une maladie contagieuse, ceux qui sont malades mais qui n’ont aucun espoir de guérir ou ceux qui ne peuvent plus travailler à cause de la maladie ou d’une infirmité ne peuvent pas demander à devenir malgache. Est ce qu’on est en train de dire par là que le Malgache ne peut être qu’une personne saine, en forme… sans défaut ? (cela rappelle tristement une autre époque dans d’autres contrées…)
Ainsi, même si désormais les hommes et les femmes malgaches sont considérés égaux dans la transmission de leur nationalité à leurs enfants, et c’est une victoire, d’autres situations méritent aussi attention.
Avoir la nationalité malgache, pourquoi faire?
Pour répondre à la question de savoir quelle est l »utilité d’avoir une nationalité en général, et la nationalité malgache en particulier, ayez en tête le nombre de fois où on vous a demandé une pièce d’identité pour faire des choses « banales ». L’apatride, la personne qui n’a aucune nationalité, ne peut pas faire toutes ces choses de la vie quotidienne ordinaire : avoir un acte de naissance, aller à l’école, se présenter aux examens officiels, s’inscrire dans une bibliothèque, chercher du travail… vivre normalement en somme. La vie des apatrides est faite de combat et de peur sans aucune stabilité.
Pour conclure, je me pose souvent la question de savoir si avoir un passeport malgache suffit à décréter qu’untel est malgache (administrativement oui) et qu’untel est un vahiny (c’est-à-dire un étranger), … mais plus fondamentalement, être malgache cela veut dire quoi ? Etre né à Madagascar ? Avoir un nom très long ? Parler la langue ? Manger du riz tous les jours ? Adorer le ravintoto ? Se soucier de sa famille et de ses proches ? Circoncire son fils ? Ne pas enterrer le mardi ? Savoir exactement où les proches vont t’enterrer et à côté de qui ? Pratiquer le famadihana? célébrer le sambatra ? Lire E.D Andriamalala ? Déclamer les poésies de Rabearivelo ? Ecouter les contes de Paul Congo ? Faire des pique-nique les lundis de Pâques et de Pentecôte ? Danser l’Afindrafindrao ? C’est tout cela et aucune de ces choses à la fois… parce qu’à chacune de ces situations, on pourrait toujours répondre par un oui et trouver son argument contraire. La question reste donc posée !
* loi n° 2016-038 du 16 décembre 2016 modifiant et complétant certaines dispositions de l’ordonnance n° 60-064 du 22 juillet 1960 portant Code de la nationalité malagasy.
** ordonnance n° 60-064 du 22 juillet 1960 portant Code de la nationalité malgache
*** dans la circulaire N° 666-MJ/DIR du 08 Mars 1961 relative à la procédure de naturalisation
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