Aux arbres citoyens… oui encore!
La campagne officielle de reboisement a commencé le 19 janvier à Madagascar. Je ne savais pas qu’une date aussi précise était nécessaire. Je pensais qu’on disait juste d’une façon générale et vague que les travaux de reboisement devaient se faire entre la fin d’année et le premier trimestre de l’année suivante (en période de pluie, donc ?).
Dans tous les cas, même si on a l’impression que le reboisement va être l’activité la plus en vue prochainement (attention! vague de selfies de planteurs d’arbre en vue!), on verra dans cet article que c’est une pratique qui existe depuis au moins le siècle dernier à Madagascar (I), qu’on a même un texte de loi qui l’institue en devoir du citoyen (II). Néanmoins, sans céder aux sirènes de la médiatisation et du buzz, on peut reboiser à son propre rythme ; on peut même protéger les forêts autrement (III). Aux arbres, citoyens !
Le reboisement, une nouveauté qui existe depuis longtemps à Madagascar
Actuellement, on parle de reforestation. De grands projets ont été annoncés pour que Madagascar redevienne une Île Verte et non plus « l’Île Rouge » (rouge comme la terre composée de latérite de l’Île). J’ai entendu parler de millions de plants à réaliser et de boules de graines à disséminer.
On en parle comme si c’était récent, mais en réalité, on parlait déjà de reboisement à Madagascar du temps des colonies. Oui, dès 1897, une décision du 15 avril créé un service de reboisement à Madagascar (décision n°200). Et, en 1926, un article sur « Le Reboisement à Madagascar » (tiens donc…) est paru dans la Revue de botanique appliquée et d’agriculture coloniale. Si vous avez le courage de le lire jusqu’à la fin, l’article est disponible ici.
Pour ma part, la lecture a été difficile après le « Peut-on reboiser en utilisant ceux des arbres de la forêt malgache dont le bois a une valeur connue? Nous ne le pensons pas (…) Il faut, pour reboiser, employer des essences étrangères« . A travers cet article, on constate que le bois n’a jamais été considéré que pour son utilité économique et jamais pour son rôle « naturel » et vital pour nous et les autres êtres vivants. C’est peut être la raison pour laquelle un siècle de campagnes de reboisement n’a pas pu renverser le « rougissement » de Madagascar.
Le reboisement, un devoir du citoyen
Si les travaux de reboisement existent depuis un certain temps, à l’Indépendance, ils sont pris en compte par le législateur malgache. En effet, quelques temps après le retour à l’Indépendance, un texte est adopté afin d’instituer le reboisement en un devoir national. A vrai dire, il y avait une ordonnance en 1962, mais celle-ci a été abrogée et remplacée par celle qui est toujours en vigueur actuellement : l’ordonnance 63-032 du 24 décembre 1963. Selon ce texte « tous les habitants de Madagascar non reconnus invalides ont l’obligation de participer à l’œuvre nationale de reboisement« . Et pour accomplir cette obligation, une cinquantaine d’arbres devaient être plantés.
On ne s’attardera pas trop sur le fait que le texte avait précisé que par « tous les habitants » il était fait référence aux seuls citoyens masculins âgés de 21 à 55 ans. Époque oblige peut-être, je n’ai pas l’explication, on parlera plus tard sur le blog, dans l’année, de la considération portée aux femmes par la société malgache.
Vu l’engouement des entreprises (grandes ou petites), des ministères, de tous les corps de l’État, des associations etc. à réaliser leurs travaux de reboisement (ou plutôt à faire des séances photos avec à la clé des publireportages au bénéfice de l’image de l’entité) il semblerait que (ô miracle !) le message de cette ordonnance de 1963 continue de porter ses fruits près de 60 ans après. Non, je plaisante! Je me retiens souvent de demander:
- a-t-on bien choisi les plants et les essences à mettre en terre ?
- qu’est-il est advenu des plants qui ont été mis en terre les années précédentes ?
- a-t-on réalisé des études sur le taux de réussite de ces travaux de reboisement ?
- sur quelle périodicité les entretiens sont faits le long de l’année sur ces jeunes plants ?
On peut planter les arbres et les protéger sans chercher à faire le buzz
Après les incendies en Amazonie, en Australie et partout ailleurs dans le monde, il est vraiment important que chacun et chacune contribue aux efforts de reboisement et de reforestation. C’est vrai qu’on ne peut pas toutes et tous faire comme la Kenyane Wangari Maathai qui avait bataillé pour mettre en place le Mouvement de la ceinture verte dès 1977. Elle aura réussi, avec son organisation, à planter 40 millions d’arbres sur le continent africain. Au Pakistan, ils ont l’ambition de planter un milliard d’arbres « pour l’avenir ». Face à tous ces chiffres qui donnent le vertige, on peut se sentir inutile ou impuissant. Il ne faut pas se laisser impressionner : chacun peut agir à son niveau, faire son colibri en somme.
On peut penser à planter un arbre (ou plusieurs) à chaque occasion de la vie : une naissance, un mariage, une séparation, une guérison, une réussite à un examen, un passage en classe supérieure, un anniversaire, un changement de vie…
Il est bien connu que si on veut éviter de gaspiller une ressource, il vaut mieux se contenter de ce qu’on a déjà ou mieux, il faut savoir la réutiliser ou l’adapter à une nouvelle utilisation. Ainsi, pour protéger les arbres, il faut aussi penser à ne pas les consommer à outrance et privilégier les filières du recyclage.
Je prends juste l’exemple des meubles à la maison. Au lieu d’en acheter des neufs, on peut s’approcher des entreprises qui réussissent à recycler le bois. Vous me diriez que ça n’existe pas à Madagascar et que c’est encore une lubie des écolos-bobos occidentaux… Eh non, ces entreprises existent et font du travail et de la finition de qualité. Je pense notamment à RecupArtsoa qui fait un gros travail de recyclage bien entendu, mais ils ne négligent pas non plus l’éducation des consommateurs. En effet, se présenter comme artisan dans le domaine du recyclage entraîne souvent des réactions de rejet de la part de certains consommateurs qui sous-estiment l’énorme travail réalisé pour apprêter le bois et lui redonner une nouvelle utilité, sans que son passé récent ne se retrouve dans les traits du nouveau meuble.
Soyons prévoyants et anticipons !
Pour conclure, je pense que pour renverser la tendance et réussir à « verdir » pour de vrai Madagascar, il nous faut des selfies et des pray for Mada des actes, de multiples petits actes citoyens, des actes forts, des actes réfléchis sur le long terme. Instituer le reboisement en devoir national est un beau symbole. Adopter un texte de loi sur la question souligne les préoccupations suscitées par les conséquences de la déforestation. Mais un texte aussi bon qu’il soit n’a pas de bras pour creuser un trou large et profond, déposer les matériaux de drainage, mettre en terre le jeune plant, le tasser, l’arroser et l’entretenir. Si on veut s’asseoir sous l’ombre d’un bel et grand arbre quand on aura pris de l’âge, il vaut mieux planter cet arbre-là au cours de notre jeunesse !
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