Racisme de toutes les couleurs

Article : Racisme de toutes les couleurs
Crédit:
23 mars 2016

Racisme de toutes les couleurs

 

"Colored" drinking fountain from mid-20th century with african-american drinking source :wikimédia commons

Une personne de couleur noire buvant à un distributeur d’eau, réservé aux « gens de couleur » aux Etats-Unis en 1939. (Crédit : Wikimédia)

 

Le 21 mars c’est la journée internationale de la lutte contre la discrimination raciale, date retenue en souvenir du 21 mars 1960, où 69 personnes ont été tuées par la police qui avait ouvert le feu lors d’une manifestation pacifique contre les lois de l’Apartheid à Sharpeville en Afrique du Sud.

Le jour où j’ai appris que j’avais une couleur de peau, c’était un jour que je croyais comme les autres. C’était au printemps à une époque où je vivais en Europe. Dans mon pays, à Madagascar, on n’a pas quatre saisons bien déterminées et bien distinctes comme en Europe, on a juste la saison des pluies et la saison sèche ! Qu’est-ce que c’est beau le printemps. On sort petit à petit de l’hiver froid et gris, la nature commence à se réveiller, les bourgeons fleurissent et le soleil fait de petites apparitions bien appréciées des habitants des villes, dans les parcs ou sur les terrasses. Ce jour là j’étais dans un parc avec des camarades de classe, nous prenions le soleil. Heureuse de retrouver un de mes amis, je me suis naturellement et ouvertement réjouie de pouvoir prendre des couleurs parce qu’au sortir de l’hiver je me trouvais pâle et terne. Quel ne fut pas mon étonnement de m’entendre dire que ce n’était pas si grave, vu que j’étais  » bronzée toute l’année ». Ce jour là, j’ai découvert que j’avais une couleur pour les autres, alors que je ne pensais être que moi-même.

Le jour où j’ai appris que mon identité importait peu et que ma couleur allait prendre le dessus était aussi un jour comme un autre. Un matin d’octobre, mal réveillée et fatiguée parce-que je n’avais pas assez dormi, je sors de chez moi. Je prends l’ascenseur, je frissonnais un peu, la dame qui était à côté de moi le remarque, et, tout sourire, elle engage la conversation en évoquant le temps. Polie et courtoise je lui réponds qu’effectivement il faisait un peu froid mais que c’était la saison. Toute fière de son mot, elle dit avoir deviné que je ne devais pas avoir l’habitude des basses températures vu qu’ « à Dakar il ne fait jamais froid  » ! Trop abasourdie, incapable de réagir à des propos ahurissants, je n’ai pas eu le temps de lui préciser que l’Afrique n’était pas un pays mais un continent et qu’il y avait autant de nationalités différentes en Afrique qu’en Europe (si ce n’est plus). J’ai juste acquiescé avec mon plus mitigé sourire. Cerise sur le gâteau : avant de sortir, la dame me suggère gentiment de rentrer « chez moi là-bas » si je ne supportais pas le froid « ici ».

 

16224895084_b505e850e1_o

(Crédit : Wikimédia)

Et puis, finalement, un jour j’ai compris que le racisme n’était pas un mal uniquement de « blanc », j’ai compris que le racisme pouvait sévir partout où les préjugés et l’intolérance régnaient. Ce jour là je discutais avec un ami proche, malgache comme moi. Et il a commencé à poser la question de savoir d’où je venais. Difficile d’y répondre vu que mes quatre grands parents viennent tous d’horizons différents ! Je commence à lui raconter les lieux où les uns et les autres ont grandi, se sont connus et ont vécu. Et là j’entends mon ami me répondre que tout cela était bien compliqué parce que c’était « trop loin » ! Sur le moment, j’avoue que je n’ai pas relevé. Mais ensuite je me suis posé la question : loin de quoi ? Loin par rapport à quoi ? Par rapport à quel point de départ ?  A quelle conception du monde et des autres correspond cette impression de lointain ? Ce jour là j’ai compris. Je n’avais jamais imaginé qu’entre compatriotes ce détail pouvait compter ! Et puis finalement je me suis rendue compte que si. Qu’il y a encore une frange (une majorité ?) de la population qui pense que c’est important que le tombeau familial soit à certains lieux (sur les hautes terres ou bien sur les côtes) et qu’il faut descendre de tels ancêtres ou faire partie de telle famille pour pouvoir se fréquenter, se parler, vivre ensemble…

Comment peut- on se croire supérieur ou regarder de haut certaines personnes pour une chose : la naissance dans un certain milieu ou sur un continent, qui est simplement le fruit du hasard. Parce qu’au final personne ne choisit de naître blanc, noir, rose ou fluo !

 

Partagez

Commentaires

hermondrasana
Répondre

C'est en effet courant dans certains milieux de croire que l'endroit d'où une personne vient importe beaucoup et que les autres sont des personnes infréquentables ou sauvages.
J'avais une "amie" au bureau où je travaillais et un jour, elle m'a invité avec d'autres collègues de bureau chez elle pour un déjeuner et sa mère était là.
Le lundi suivant, elle m'a raconté que sa mère a été agréablement surprise en apprenant la province d'où je viens et et en constatant que je suis normale comme elle et sa fille. Je n'ai pas fait de commentaires à sa remarque et j'ai souri simplement.
Ce jour-là, j'ai compris qu'à Madagascar , il y a encore des personnes qui sont attardées mentales et pensent que les autres natifs de différentes régions que les leurs sont des sauvages en puissance et doivent avoir des réactions stéréotypées.
A partir de ce jour, je n'ai plus mis les pieds chez elle malgré ses invitations , et cela bien que nous soyons restées "'amies". Et elle n'a jamais su que ce que je pensais d'elle car le fait même de me rapporter les propos de sa mère m'a sidéré de la part de quelqu'un qui a fait des études supérieures, fréquenté toutes sortes de personnes dans le métier exercé et a voyagé sur toute l'île .Je pouvais tolérer la remarque pour la mère qui n'a jamais vu que son petit quartier et sa ville et son petit entourage

kaptue florian
Répondre

comme tu l'a si bien dit le racisme est divers, ce n'est pas seulement l'affaire de peau,nous souffrons tous d'une certaine discrimination