Ianjatiana

Je vous souhaite du bon, du beau et de l’inattendu!

En cette période de l’année, les mots me manquent : les voeux que l’on prononce « habituellement » me semblent parfois plats, répétitifs, pas assez imaginatifs. Ainsi, je cherche souvent à formuler des voeux personnalisés et ciblés pour chaque personne. Cette année, je suis tombée sur ce texte et je suis conquise! On l’attribue à Jacques Brel, des voeux qu’il aurait formulés en 1968 pendant une interview à la radio Europe 1.

 

« Je vous souhaite de souhaiter. Je vous souhaite de désirer. (…) Le seul fait de rêver est déjà très important. Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques uns. Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier. Je vous souhaite des passions, je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable. »

 

1

 

Que dire de plus…

 


Un pas après l’autre…

Avant de savoir courir, il faut apprendre à marcher dit-on…et pour marcher il faut faire un pas après l’autre.

 

chaînehumaine

#RIPJiro #RIPRano /Jiro = électricité  Rano = eau

Parce que les fournitures de l’eau et de l’électricité deviennent de plus en plus aléatoires à Madagascar, alors que le paiement des factures exorbitantes reste obligatoire, Wake Up Madagascar (dont le but principal est de remettre le citoyen au coeur de la vie nationale) a organisé, le samedi 6 décembre 2014, une chaîne humaine pour réveiller les consciences et demander aux autorités politiques de se pencher sur ce problème. Mais une idée aussi simple que de se prendre la main et de rester debout pour manifester son mécontentement, son désespoir est trop simple pour certaines personnes pour ne pas susciter des questions (théorie du complot quand tu nous tiens!) ou des critiques (théories du yaka = il n’y a qu’à, du si au moins…!).

 

Chaîne humaine

Ce mouvement a d’abord intrigué les autorités. Quelques jours plutôt, elles ont déjà fait savoir qu’aucune manifestation ne sera autorisée et qu’il y aurait des éléments des forces de l’ordre. Promesse tenue : une importante armada est venue ce samedi matin là pour encadrer le mouvement et éviter les débordements…

Puis il a rencontré l’incrédulité d’une certaine partie de l’opinion publique. L’on se demandait si les organisateurs avaient sérieusement envisagé de contester ce problème récurrent et rien que ce problème de délestage et de coupure d’eau, sans arrière pensée politique, sans manoeuvre politicienne. Chat échaudé craignant l’eau froide, la population qui a toujours été manipulée se pose la question de savoir à quelle sauce elle va encore être mangée par des politiciens véreux.

Et enfin, ce mouvement a essayé les critiques des sceptiques (est ce qu’une chaîne humaine va vraiment faire peur aux dirigeants?), les yaka des grands théoriciens (avant de parler de ces coupures, n’y a t’il pas d’autres problèmes prioritaires?), et les commentaires désabusés de certains journalistes.

 

Anosy1

Face à tant de scepticisme, d’incrédulité, et parfois d’incompréhension, il est peut être temps de rappeler que l’on ne peut avancer qu’en faisant un pas après l’autre. Il est utile de chercher des moyens, certes simples voire simplets selon certains points de vue, pour exprimer son ras-le-bol devant les autorités étatiques sans en venir à la violence. La destruction des biens (des personnes excédées ont fini par attaquer un bureau régional de la compagnie qui est chargée de veiller à la fourniture de l’eau et de l’électricité), les sacrifices humains (dans une affaire où des employés ont demandé une hausse de salaires, la situation a dégénéré et entraîné la mort de plusieurs personnes) n’aboutissent pas à la résolution des problèmes, mais au contraire laissent une situation encore plus difficile à gérer.

Anosy4

Il est facile de détruire mais malheureusement, la reconstruction, la remise en marche de ce qui était, tardent quand elles ne sont pas juste inexistantes. C’est la raison pour laquelle un mouvement tel qu’initié par Wake Up Madagascar est plus approprié : le citoyen a pu s’exprimer, le message passe, il n’y a pas de casse pour autant. Et certains frémissements constatés dans certaines sphères les jours précédents et le jour même peuvent faire croire que oui, ça valait la peine.

Anosy3

Il vaut mieux faire un pas après l’autre pour savoir marcher, et pour changer la façon dont le citoyen s’approprie la vie de la Nation, il ne faut pas croire qu’un mouvement violent va tout révolutionner du jour au lendemain, il faut de la patience, des idées, et surtout du courage!

*Mise à jour du 23 décembre 2014* : une manifestation contre le délestage a dégénéré à Tamatave (une ville de la côte est de Madagascar) et a fait un mort, plusieurs blessés et plusieurs casses….

Et vous, êtes-vous engagé dans un mouvement citoyen?

 

Anosy2

*Les photos sont issues de la page Facebook de Wake Up Madagascar, et ont reçu leur autorisation pour illustrer cet article.


Hallo… quoi ? Sambatra oui !

Il y a quelques années je me posais déjà la question de la « mondialisation » de certaines fêtes voire de l’engouement de beaucoup de monde pour Halloween (qui se déroule habituellement la soirée du 31 octobre) et du désintérêt pour Thanksgiving par exemple. Après quelques recherches, il semblerait qu’Halloween était une fête rurale dans le Royaume-Uni avant sa période d’industrialisation (vers le XVIIIe siècle)  puis a été  » récupérée  » par les Américains plus tard : vous pouvez trouver toute son histoire racontée ici en détail.

Le but n’est pas de se plaindre de cette uniformisation galopante de la vie dans ces différents aspects (alimentation, habillage, goût… fête), mais de mettre en valeur certaines poches de résistance. Et oui ! heureusement les traditions ne sont pas toutes mondialisées et ne deviennent pas toutes des fêtes commerciales, et j’ai justement choisi de parler d’un rituel qui fait la fierté de tout un peuple dans le sud-est de Madagascar : le Sambatra.

9

Une petite précision avant de commencer, en malgache, sambatra veut dire être heureux (fahasambarana signifiant bonheur). On peut aussi dire en s’exclamant  » Sambatraaaaaa ! « , ça arrive souvent quand quelqu’un annonce une bonne nouvelle et que les autres n’expriment pas vraiment la jalousie, mais quelque part une envie pas méchante, mais envie quand même. Un peu comme si les autres disaient :  » Wouah la chance !  » Donc, ne soyez pas étonnés si vous trouvez le mot sambatra et que ça ne réfère pas à ce rituel.

Le Sambatra se déroule tous les sept ans* dans le pays Antambahoaka (à l’origine, Tembahoaka = ceux que le peuple aime, les transformations du langage ont fait que c’est devenu Antambahoaka), mais les festivités les plus importantes se déroulent à Mananjary, située à près de 560 km de la capitale de Madagascar. C’est une occasion pour tous les descendants du pays de faire un retour aux racines et surtout de célébrer cette tradition qui remonte à des temps vraiment anciens. Il prend toujours place pendant tout le mois d’octobre au cours duquel la ville vit au rythme des rites. Il commence un vendredi et se termine aussi un vendredi.

Ambinany

 

Le Sambatra, à première vue, est un ensemble de rites réalisé pour marquer le passage des jeunes garçons au statut d’homme au sein de la communauté. Il est souvent assimilé à une circoncision** collective, mais il va bien au-delà. Il permet la communion de tout un peuple qui tient à sa tradition et à son histoire et n’entend pas y renoncer. En effet, les rites illustrent et constituent une sorte de mise en scène de l’histoire de la migration du peuple de Raminia (les Antambahoaka sont aussi appelés les Zafiraminia = les descendants de Raminia) de l’Arabie saoudite à Madagascar vers le XIIIe siècle après que celui-ci se soit rebellé contre Mahomet et ses nouvelles lois qu’il considérait comme portant atteinte à sa liberté.

AmbinanyLehilahy

Le Sambatra, c’est un festival de couleurs et de costumes : les garçons à circoncire sont habillés d’une tenue rouge avec des bandes blanches, les femmes se parent de pagnes d’un même tissu, dont le plus convoité est le « parla » (désolée mais j’ai essayé de chercher comment ça s’appelle en réalité… je n’ai pas trouvé!) et doivent obligatoirement se tresser leurs cheveux.

Momandson

Le Sambatra, c’est une fête : la joie se propage dans toute la ville avec les champs et les danses des femmes, de quartier en quartier, de jour comme de nuit. Une grande procession finale est programmée avec tous les habitants de la ville.

Girls

C’est aussi, comme dans toute fête malgache qui se respecte, l’occasion de boire. Et la spécialité locale (on apprendra vite que sous le nom générique de  » toaka gasy  » (toaka = eau de vie, gasy = malgache) se dissimulent des variétés locales et régionales d’eau de vie comme le gily midro, et il y a aussi le betsa, une sorte de bière locale. Dans les cas où un décès survient pendant le mois, l’enterrement est fait rapidement, presque en secret. Ce n’est qu’une fois le Sambatra passé que les rites et coutumes liés à l’enterrement sont réalisés pour  » régularisation « .

Betsa - Gily Midro en bidons

Cependant, il ne faut pas croire qu’il n’y a aucune circoncision pendant 7 ans ! Au contraire, il est permis de faire la circoncision quand le moment est venu, même en dehors du Sambatra, on parle à ce moment-là de  » vol « … » nangalarina « .

 

Tranobe

 

Pour terminer, il paraît qu' »il faut le vivre pour le sentir »… rendez-vous en 2021 à Mananjary alors 😀

Cet article a été écrit avec l’aide et les conseils précieux de Nadya N. et les photos de Iarinaivo. Merci vous!!

Si vous voulez en savoir plus sur le sujet, vous pouvez lire l’excellent ouvrage de Monseigneur Xavier Tabao Manjarimanana – Ny Sambatra Antambahoaka – Mananjary paru initialement en 1983 et réédité en 2007.

 

Fa toy ny Renintantely ny Razana, maty namela ny mamy :

– FIHAVANANA ho olona iray,

– Fiaraha-miezaka mba ho velona, ho SAMBATRA,

– Ary fijoroana ho LILAHY MAHERY

Les ancêtres sont aussi doux que le miel,

ils nous ont laissé en héritage l’unité,

la volonté d’être vivants et heureux,

et la fierté de nous sentir des  hommes vaillants et courageux

 

Et vous, connaissez-vous des rituels, coutumes qui se rattachent à l’histoire de « vos origines » ? (à ne pas prendre dans un sens péjoratif le « vos origines » hein.)

 

* au fur et à mesure on notera que dans la cosmologie malgache les nombres trois et sept ont des valeurs importantes et sacrées, néanmoins, pour le Sambatra, l’année est déterminée selon un cycle lunaire et correspond au Taon-jomà (année vendredi qui correspond à l’année de départ de Raminia)

** La circoncision se pratique depuis longtemps à Madagascar et continue de l’être même si elle entraîne l’appréhension de certaines mamans.